Excellences Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général de la CARICOM,
Mesdames messieurs,
Je voudrais en tout premier lieu adresser mes sincères remerciements au Président, au Premier Ministre et à l’ensemble du Gouvernement et du Peuple de Trinité et Tobago pour la qualité de l’accueil réservée à la délégation haïtienne. Je souhaite également exprimer ma reconnaissance au Caucus de la CARICOM qui a pris l’initiative d’organiser cette conférence qui vient à point nommé. Elle a lieu deux mois après l’arrêt ignominieux de la Cour constitutionnelle de la République Dominicaine de déchoir de leur nationalité des dizaines de milliers de citoyens dominicains d’ascendance haïtienne. A cet égard, je tiens à faire part de ma profonde appréciation à nos partenaires de la CARICOM qui, dès le départ, ont pris position en faveur du droit, de l’équité et de la légalité internationale.
Mesdames, messieurs.
L’Arrêt du 23 septembre 2013 de la Cour Constitutionnelle de la République Dominicaine ravit des droits acquis de toute une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants s’étendant sur plusieurs générations, à partir de 1929. Ce qui est tout a fait paradoxal, car l’Article 18, alinéa 2 de la Constitution Dominicaine de 2010 dispose : “ sont dominicains (toutes personnes possédant la nationalité dominicaine avant l’entrée en vigueur de cette constitution “. En précisant “ avant l’entrée en vigueur de cette constitution”, il est clair que cet article réaffirme le principe de la non-rétroactivité de la loi eu égard à la possession de la nationalité dominicaine. En outre, l’article 110 de la Constitution dominicaine de 2010 garantit la non-rétroactivité de la loi qui est un principe général du droit visant à assurer la sécurité juridique et, en conséquence, ayant encore plus de valeur que la loi elle-même.
Ainsi, son caractère rétroactif crée pour ces centaines de milliers de personnes un gouffre juridique que le droit international réprouve. Bien plus, il fait planer un risque élevé de violation massive des droits de toute une communauté, y compris la menace immédiate de refoulement, de déportation et de répressions connexes.
Les répercussions de cette sentence, si elle devait être appliquée, seraient multiples en matière de droit. L’une de ses incidences, et non des moindres, est la perspective d’un statut d’apatride pour les membres de la communauté concernée. Comme l’a fort justement souligné le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, cet arrêt a pour effet de plonger les citoyens visés dans “un vide constitutionnel qui en ferait des apatrides privés d’accès aux services de base”.
Les conséquences de cette sentence sont tout aussi graves sur le plan des droits de l’homme, puisque les personnes concernées sont exclues de la communauté nationale dominicaine et perdent leurs droits civiques, comme le droit de vote, celui de se porter candidat à des charges électives dans certains cas, la perte d’emploi, la diminution du droit de propriété.
De façon concrète, cette sentence affecte dramatiquement entre 210.000 et 250.000 citoyens dominicains d’origine haïtienne. Je vous fais grâce d’un ensemble d’obligations juridiques internationales découlant de conventions régionales ou multilatérales qui sont ainsi bafouées. Qu’il me soit néanmoins permis de citer, à titre d’illustration:
L’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme; les articles 8 et 9 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 avril 1961;
Les dispositions des articles 2.1 et 5 de la Convention sur l’interdiction de toute forme de discrimination raciale du 21 décembre 1965;
La Déclaration et le Programme d’action du Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme du 25 juin 1993;
Les dispositions des articles 1 alinéa 1, 2 alinéa 1 et 20 alinéa 3 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. 8. Il en découle que l’arrêt du 23 septembre 2013 du Tribunal Constitutionnel dominicain est une mauvaise solution, juridiquement infondée et humainement inacceptable.
Par ailleurs, sur le plan diplomatique, la décision de la Cour Constitutionnelle dominicaine vient incontestablement remettre en cause la configuration des relations bilatérales haïtiano- dominicaines, telle qu’elles se sont construites et développées depuis la deuxième moitié du 20è siècle.
L’État haïtien, il va de soi, ne peut rester indifférent au sort de la communauté d’ascendance haïtienne en République Dominicaine. Et dans le droit fil du devoir de protection consacré par le droit international, l’État haïtien a entrepris des représentations officielles auprès des autorités dominicaines aux fins de faire valoir les points suivants:
• La déchéance de la nationalité est destinée à sanctionner des comportements déviants et des faits répréhensibles, délictueux ou criminels;
• La déchéance d’une communauté de sa nationalité, outre le fait qu’elle est une procédure inusitée, ne doit pas être un mode de gestion des défis qui se posent à une société en matière d’immigration;
• La décision du 23 septembre 2013 revêt toutes les apparences d’une procédure exceptionnelle ciblant une communauté particulière et est, de ce fait, attentatoire aux droits humains fondamentaux tels que visés par les Pactes internationaux et régionaux en la matière.
Tout naturellement, le Gouvernement haïtien est très préoccupé par cette décision qu’il condamne avec la plus grande vigueur, aussi bien par principe que pour des raisons d’ordre légal et humanitaire.
A cet égard, désireux de protéger les descendants de sa diaspora et soucieux de préserver les meilleures relations avec sa voisine orientale, j’ai instruit le Ministre des Affaires Etrangères d’explorer toutes les possibilités de discussions et d’échanges avec les autorités dominicaines aux fins de faire prévaloir le mot de la raison, de l’équité, de l’humanité et du droit.
Des discussions ont eu lieu la semaine écoulée à Caracas, sous les auspices de la République Bolivarienne du Venezuela, jouant le rôle de facilitateur. À l'issue de ces discussions, une déclaration conjointe a été signée entre Haïti et la République Dominicaine, réitérant notre foi dans le dialogue, et précisant que la République Dominicaine sauvegardera les droits inaliénables et la sécurité juridique des personnes ciblées par cette décision.
Je me réjouis des réactions quasi spontanées de condamnation ou de réprobation qu’a suscitées cette sentence pour le moins arbitraire. En effet, suite à la publication de cette décision, on a enregistré une pluie de réactions au niveau de la Caraïbe et du monde : des États, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des secteurs associatifs, des médias, des personnalités et des citoyennes et citoyens de partout ont exprimé leur très grande préoccupation.
Il est très important de souligner que ces réactions ont été motivées par des raisons qui dépassent de très loin la question de l'origine ancestrale. Il s'agit pour les protestataires de dénoncer une mesure privative d'un droit aussi fondamental et essentiel que la citoyenneté.
Cette manifestation de solidarité est aussi la preuve de la volonté des Etats de la CARICOM à préserver la stabilité de la région qui est sévèrement menacée par l’application effective de l’arrêt en question. Les conséquences possibles risquent de dépasser toutes les attentes en termes de convulsions sociales, d’exclusion et de crise humanitaire au sein de la société dominicaine elle-même, avec très probablement des répercussions au niveau régional.
Je voudrais exprimer ma sincère gratitude au Premier Ministre de Saint Vincent et les Grenadines, le Docteur Ralph Gonsalves; au Premier Ministre de Trinité et Tobago, Kamala Persad-Bissessar et à l’ensemble des Etats de notre communauté de la Caraïbe pour leur ferme et constant soutien à cette juste cause qui est celle de la défense des droits de l’homme dans leur universalité et leur humanité.
Mesdames Messieurs les Chefs de Gouvernement,
Chers amis de la CARICOM,
Mon pays, la République d’Haïti, a toujours été à l’avant-garde dans la défense des droits de la personne. Depuis le 1er janvier 1804, date de la proclamation de notre indépendance, nous avons fait de notre pays le phare avancé de la liberté, la terre où tous les Noirs, en le foulant, devenaient libres et accédaient à la nationalité haïtienne. Nous avons promené la flamme de la liberté dans l’Amérique Espagnole en contribuant à l’indépendance de la Grande Colombie.
La République du Venezuela, se souvenant de la fraternité qui unissait El Libertador au Premier Président haïtien, Alexandre Pétion, sous le leadership du regretté Homme d’État, Hugo Chavez, dont j’évoque la mémoire avec émotion, est venue en aide à mon pays.
La République d’Haïti, mes chers amis, a beaucoup souffert pour avoir osé bousculer le vieux moule de l’esclavage et intégré la grande famille des Noirs que nous sommes, au sein de la communauté humaine. Nous avons payé très cher notre exploit et fumes frappés d’ostracisme par les puissances colonialistes.
Il a fallu l’avènement du grand Abraham Lincoln à la présidence des Etats-Unis pour qu’après la proclamation de l’émancipation, l’indépendance d’Haïti soit reconnue en 1863. Soit 60 ans après la première révolution triomphante d’esclaves.
Toutes ces vicissitudes ont contribué à notre retard et expliquent sans nul doute le sous-développement de la première République nègre indépendante du monde. L’embargo commercial dont nous fumes victimes nous obligea à jeter en mer nos productions caféière, sucrière, indigotière et autres, appauvrissant ainsi celle qui avait été la plus riche colonie de Saint Domingue.
Excellences,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
À l'instar de tous les États de la région, la République Dominicaine et la République d'Haïti s'évertuent, depuis plusieurs décennies, à construire des institutions étatiques solides, à promouvoir et à consolider les acquis démocratiques gagnés, dans les deux cas, au prix de longues luttes et surtout au prix de beaucoup de sacrifices. Nous nous attachons très fermement au respect de la légalité, des droits de l’homme et de nos engagements internationaux.
Dans ce même esprit, les dirigeants de la République d’Haïti et ceux de la République Dominicaine n’arrêtent pas de multiplier des initiatives et de prendre des actions pour rapprocher les deux peuples, dissiper certaines incompréhensions et harmoniser les rapports entre les deux Etats.
Tant pour Haïti que pour la République Dominicaine et pour tous les États de la région, l'expérience démocratique ne se fait pas sans heurts, lesquels sont souvent difficiles, mais non impossibles à surmonter. Et dans la plupart des cas, on ne peut s’en sortir qu'en se mettant à l'écoute de pays amis ayant eu, par le passé, à surmonter des difficultés semblables ou en recourant à la médiation ou l’arbitrage d’organisations intergouvernementales, régionales ou mondiales, dont les membres partagent des valeurs et des idéaux communs. Le respect mutuel, la compréhension réciproque et la solidarité sont les maîtres-mots pour nous aider à faire face à des moments difficiles ou à surmonter certaines épreuves.
Aussi influents que puissent être les secteurs qui sont supposément à l’origine de cette décision, leurs intérêts ne peuvent pas occulter les intérêts supérieurs de la République Dominicaine.
Le peuple dominicain est bien plus proche d'un de ses journalistes les plus respectés et crédibles comme Juan Bolivar Diaz, ayant appelé le Président Medina à "freiner le génocide civil", que de ce petit secteur malintentionné et manipulateur.
Il m’a été rapporté qu'à l'issue d'une réunion internationale sur la Décision, un officiel haïtien a été abordé par un jeune étudiant dominicain qui a jugé bon de lui présenter ses excuses à causse de la décision et de le rassurer que celle-ci ne traduit pas le sentiment du peuple dominicain pour leurs compatriotes d'origine haïtienne. L'officiel haïtien avait donc tenu à rassurer le jeune humaniste qu'il a bien compris que le peuple dominicain n'a rien à voir avec l'adoption de cette mesure de haine et qu'il la réprouve.
Excellences,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
Je me félicite que la Communauté Caribéenne se soit penchée, au plus haut niveau, sur cette question qui n’est autre qu’une grave anomalie juridique susceptible de nuire au climat de sérénité, de stabilité et de bon voisinage qui s’installe progressivement dans notre région.
J’en profite pour déplorer les nouveaux actes de violence perpétrés récemment, soit le week-end écoulé, contre des ressortissants haïtiens sur le territoire dominicain. Nous condamnons et continuerons de condamner pareils agissements qui sont des actes xénophobes, indiscriminés contre la communauté haïtienne en République Dominicaine, sous le fallacieux prétexte de l’implication présumée de certains de ses membres dans des actes criminels.
Je fais appel aux autorités dominicaines à diligenter une enquête rapide pour identifier et punir leurs auteurs, mais aussi à prendre les dispositions nécessaires pour éviter la répétition de ces actes qui surviennent trop souvent.
Egalement, j’apprécie le fait que les États de la CARICOM aient non seulement entendu l'appel de Juan Bolivar Diaz, mais aussi qu'ils se le soient approprié comme s'il lui était adressé. C’est la preuve d’une consciente profonde du fait que la décision du Tribunal constitutionnel dominicain est loin d’être une simple question dominicaine, encore moins haïtiano-dominicaine, puisque touchant à un domaine qui transcende les frontières, à savoir : les droits humains, dont la promotion et la défense relèvent de l’universel.
La République d’Haïti souscrit à toutes les positions déjà exprimées par notre organisation (la CARICOM) et à toutes celles qui sortiront de cette importante réunion d’aujourd’hui.
Je place grand espoir dans l’aboutissement de cette démarche de notre organisation régionale visant à contribuer à la résolution de ce problème et à éviter à notre région le génocide civil ou la grave crise humanitaire qui pourrait résulter de l’application de cette décision.
J’en profite pour féliciter et remercier vivement le Gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela pour sa récente initiative en vue de faciliter une issue heureuse à ce problème.
Une nouvelle fois, la République d'Haïti exprime sa grande préoccupation et appelle son plus proche voisin à se ressaisir, en se conformant aux principes du droit international des droits de l'Homme et plus particulièrement à l'article 15 alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme qui stipule, et je cite:
"Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité."
En cette deuxième décennie du vingtième siècle, chaque homme, où qu’il soit, est devenu solidaire des autres hommes, parce que le monde marche vers une plus grande communauté des vivants.
En temps que peuple noir de ce sous-continent et fier de l’être, notre organisation a un rôle important à jouer dans l’Hémisphère occidental. Qu’elle soit donc une exaltation de la fraternité et un hommage à toutes les forces bienfaisantes de la civilisation.
Je voudrais en tout premier lieu adresser mes sincères remerciements au Président, au Premier Ministre et à l’ensemble du Gouvernement et du Peuple de Trinité et Tobago pour la qualité de l’accueil réservée à la délégation haïtienne. Je souhaite également exprimer ma reconnaissance au Caucus de la CARICOM qui a pris l’initiative d’organiser cette conférence qui vient à point nommé. Elle a lieu deux mois après l’arrêt ignominieux de la Cour constitutionnelle de la République Dominicaine de déchoir de leur nationalité des dizaines de milliers de citoyens dominicains d’ascendance haïtienne. A cet égard, je tiens à faire part de ma profonde appréciation à nos partenaires de la CARICOM qui, dès le départ, ont pris position en faveur du droit, de l’équité et de la légalité internationale.
Mesdames, messieurs.
L’Arrêt du 23 septembre 2013 de la Cour Constitutionnelle de la République Dominicaine ravit des droits acquis de toute une communauté d’hommes, de femmes et d’enfants s’étendant sur plusieurs générations, à partir de 1929. Ce qui est tout a fait paradoxal, car l’Article 18, alinéa 2 de la Constitution Dominicaine de 2010 dispose : “ sont dominicains (toutes personnes possédant la nationalité dominicaine avant l’entrée en vigueur de cette constitution “. En précisant “ avant l’entrée en vigueur de cette constitution”, il est clair que cet article réaffirme le principe de la non-rétroactivité de la loi eu égard à la possession de la nationalité dominicaine. En outre, l’article 110 de la Constitution dominicaine de 2010 garantit la non-rétroactivité de la loi qui est un principe général du droit visant à assurer la sécurité juridique et, en conséquence, ayant encore plus de valeur que la loi elle-même.
Ainsi, son caractère rétroactif crée pour ces centaines de milliers de personnes un gouffre juridique que le droit international réprouve. Bien plus, il fait planer un risque élevé de violation massive des droits de toute une communauté, y compris la menace immédiate de refoulement, de déportation et de répressions connexes.
Les répercussions de cette sentence, si elle devait être appliquée, seraient multiples en matière de droit. L’une de ses incidences, et non des moindres, est la perspective d’un statut d’apatride pour les membres de la communauté concernée. Comme l’a fort justement souligné le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, cet arrêt a pour effet de plonger les citoyens visés dans “un vide constitutionnel qui en ferait des apatrides privés d’accès aux services de base”.
Les conséquences de cette sentence sont tout aussi graves sur le plan des droits de l’homme, puisque les personnes concernées sont exclues de la communauté nationale dominicaine et perdent leurs droits civiques, comme le droit de vote, celui de se porter candidat à des charges électives dans certains cas, la perte d’emploi, la diminution du droit de propriété.
De façon concrète, cette sentence affecte dramatiquement entre 210.000 et 250.000 citoyens dominicains d’origine haïtienne. Je vous fais grâce d’un ensemble d’obligations juridiques internationales découlant de conventions régionales ou multilatérales qui sont ainsi bafouées. Qu’il me soit néanmoins permis de citer, à titre d’illustration:
L’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme; les articles 8 et 9 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 avril 1961;
Les dispositions des articles 2.1 et 5 de la Convention sur l’interdiction de toute forme de discrimination raciale du 21 décembre 1965;
La Déclaration et le Programme d’action du Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme du 25 juin 1993;
Les dispositions des articles 1 alinéa 1, 2 alinéa 1 et 20 alinéa 3 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. 8. Il en découle que l’arrêt du 23 septembre 2013 du Tribunal Constitutionnel dominicain est une mauvaise solution, juridiquement infondée et humainement inacceptable.
Par ailleurs, sur le plan diplomatique, la décision de la Cour Constitutionnelle dominicaine vient incontestablement remettre en cause la configuration des relations bilatérales haïtiano- dominicaines, telle qu’elles se sont construites et développées depuis la deuxième moitié du 20è siècle.
L’État haïtien, il va de soi, ne peut rester indifférent au sort de la communauté d’ascendance haïtienne en République Dominicaine. Et dans le droit fil du devoir de protection consacré par le droit international, l’État haïtien a entrepris des représentations officielles auprès des autorités dominicaines aux fins de faire valoir les points suivants:
• La déchéance de la nationalité est destinée à sanctionner des comportements déviants et des faits répréhensibles, délictueux ou criminels;
• La déchéance d’une communauté de sa nationalité, outre le fait qu’elle est une procédure inusitée, ne doit pas être un mode de gestion des défis qui se posent à une société en matière d’immigration;
• La décision du 23 septembre 2013 revêt toutes les apparences d’une procédure exceptionnelle ciblant une communauté particulière et est, de ce fait, attentatoire aux droits humains fondamentaux tels que visés par les Pactes internationaux et régionaux en la matière.
Tout naturellement, le Gouvernement haïtien est très préoccupé par cette décision qu’il condamne avec la plus grande vigueur, aussi bien par principe que pour des raisons d’ordre légal et humanitaire.
A cet égard, désireux de protéger les descendants de sa diaspora et soucieux de préserver les meilleures relations avec sa voisine orientale, j’ai instruit le Ministre des Affaires Etrangères d’explorer toutes les possibilités de discussions et d’échanges avec les autorités dominicaines aux fins de faire prévaloir le mot de la raison, de l’équité, de l’humanité et du droit.
Des discussions ont eu lieu la semaine écoulée à Caracas, sous les auspices de la République Bolivarienne du Venezuela, jouant le rôle de facilitateur. À l'issue de ces discussions, une déclaration conjointe a été signée entre Haïti et la République Dominicaine, réitérant notre foi dans le dialogue, et précisant que la République Dominicaine sauvegardera les droits inaliénables et la sécurité juridique des personnes ciblées par cette décision.
Je me réjouis des réactions quasi spontanées de condamnation ou de réprobation qu’a suscitées cette sentence pour le moins arbitraire. En effet, suite à la publication de cette décision, on a enregistré une pluie de réactions au niveau de la Caraïbe et du monde : des États, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales, des secteurs associatifs, des médias, des personnalités et des citoyennes et citoyens de partout ont exprimé leur très grande préoccupation.
Il est très important de souligner que ces réactions ont été motivées par des raisons qui dépassent de très loin la question de l'origine ancestrale. Il s'agit pour les protestataires de dénoncer une mesure privative d'un droit aussi fondamental et essentiel que la citoyenneté.
Cette manifestation de solidarité est aussi la preuve de la volonté des Etats de la CARICOM à préserver la stabilité de la région qui est sévèrement menacée par l’application effective de l’arrêt en question. Les conséquences possibles risquent de dépasser toutes les attentes en termes de convulsions sociales, d’exclusion et de crise humanitaire au sein de la société dominicaine elle-même, avec très probablement des répercussions au niveau régional.
Je voudrais exprimer ma sincère gratitude au Premier Ministre de Saint Vincent et les Grenadines, le Docteur Ralph Gonsalves; au Premier Ministre de Trinité et Tobago, Kamala Persad-Bissessar et à l’ensemble des Etats de notre communauté de la Caraïbe pour leur ferme et constant soutien à cette juste cause qui est celle de la défense des droits de l’homme dans leur universalité et leur humanité.
Mesdames Messieurs les Chefs de Gouvernement,
Chers amis de la CARICOM,
Mon pays, la République d’Haïti, a toujours été à l’avant-garde dans la défense des droits de la personne. Depuis le 1er janvier 1804, date de la proclamation de notre indépendance, nous avons fait de notre pays le phare avancé de la liberté, la terre où tous les Noirs, en le foulant, devenaient libres et accédaient à la nationalité haïtienne. Nous avons promené la flamme de la liberté dans l’Amérique Espagnole en contribuant à l’indépendance de la Grande Colombie.
La République du Venezuela, se souvenant de la fraternité qui unissait El Libertador au Premier Président haïtien, Alexandre Pétion, sous le leadership du regretté Homme d’État, Hugo Chavez, dont j’évoque la mémoire avec émotion, est venue en aide à mon pays.
La République d’Haïti, mes chers amis, a beaucoup souffert pour avoir osé bousculer le vieux moule de l’esclavage et intégré la grande famille des Noirs que nous sommes, au sein de la communauté humaine. Nous avons payé très cher notre exploit et fumes frappés d’ostracisme par les puissances colonialistes.
Il a fallu l’avènement du grand Abraham Lincoln à la présidence des Etats-Unis pour qu’après la proclamation de l’émancipation, l’indépendance d’Haïti soit reconnue en 1863. Soit 60 ans après la première révolution triomphante d’esclaves.
Toutes ces vicissitudes ont contribué à notre retard et expliquent sans nul doute le sous-développement de la première République nègre indépendante du monde. L’embargo commercial dont nous fumes victimes nous obligea à jeter en mer nos productions caféière, sucrière, indigotière et autres, appauvrissant ainsi celle qui avait été la plus riche colonie de Saint Domingue.
Excellences,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
À l'instar de tous les États de la région, la République Dominicaine et la République d'Haïti s'évertuent, depuis plusieurs décennies, à construire des institutions étatiques solides, à promouvoir et à consolider les acquis démocratiques gagnés, dans les deux cas, au prix de longues luttes et surtout au prix de beaucoup de sacrifices. Nous nous attachons très fermement au respect de la légalité, des droits de l’homme et de nos engagements internationaux.
Dans ce même esprit, les dirigeants de la République d’Haïti et ceux de la République Dominicaine n’arrêtent pas de multiplier des initiatives et de prendre des actions pour rapprocher les deux peuples, dissiper certaines incompréhensions et harmoniser les rapports entre les deux Etats.
Tant pour Haïti que pour la République Dominicaine et pour tous les États de la région, l'expérience démocratique ne se fait pas sans heurts, lesquels sont souvent difficiles, mais non impossibles à surmonter. Et dans la plupart des cas, on ne peut s’en sortir qu'en se mettant à l'écoute de pays amis ayant eu, par le passé, à surmonter des difficultés semblables ou en recourant à la médiation ou l’arbitrage d’organisations intergouvernementales, régionales ou mondiales, dont les membres partagent des valeurs et des idéaux communs. Le respect mutuel, la compréhension réciproque et la solidarité sont les maîtres-mots pour nous aider à faire face à des moments difficiles ou à surmonter certaines épreuves.
Aussi influents que puissent être les secteurs qui sont supposément à l’origine de cette décision, leurs intérêts ne peuvent pas occulter les intérêts supérieurs de la République Dominicaine.
Le peuple dominicain est bien plus proche d'un de ses journalistes les plus respectés et crédibles comme Juan Bolivar Diaz, ayant appelé le Président Medina à "freiner le génocide civil", que de ce petit secteur malintentionné et manipulateur.
Il m’a été rapporté qu'à l'issue d'une réunion internationale sur la Décision, un officiel haïtien a été abordé par un jeune étudiant dominicain qui a jugé bon de lui présenter ses excuses à causse de la décision et de le rassurer que celle-ci ne traduit pas le sentiment du peuple dominicain pour leurs compatriotes d'origine haïtienne. L'officiel haïtien avait donc tenu à rassurer le jeune humaniste qu'il a bien compris que le peuple dominicain n'a rien à voir avec l'adoption de cette mesure de haine et qu'il la réprouve.
Excellences,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
Je me félicite que la Communauté Caribéenne se soit penchée, au plus haut niveau, sur cette question qui n’est autre qu’une grave anomalie juridique susceptible de nuire au climat de sérénité, de stabilité et de bon voisinage qui s’installe progressivement dans notre région.
J’en profite pour déplorer les nouveaux actes de violence perpétrés récemment, soit le week-end écoulé, contre des ressortissants haïtiens sur le territoire dominicain. Nous condamnons et continuerons de condamner pareils agissements qui sont des actes xénophobes, indiscriminés contre la communauté haïtienne en République Dominicaine, sous le fallacieux prétexte de l’implication présumée de certains de ses membres dans des actes criminels.
Je fais appel aux autorités dominicaines à diligenter une enquête rapide pour identifier et punir leurs auteurs, mais aussi à prendre les dispositions nécessaires pour éviter la répétition de ces actes qui surviennent trop souvent.
Egalement, j’apprécie le fait que les États de la CARICOM aient non seulement entendu l'appel de Juan Bolivar Diaz, mais aussi qu'ils se le soient approprié comme s'il lui était adressé. C’est la preuve d’une consciente profonde du fait que la décision du Tribunal constitutionnel dominicain est loin d’être une simple question dominicaine, encore moins haïtiano-dominicaine, puisque touchant à un domaine qui transcende les frontières, à savoir : les droits humains, dont la promotion et la défense relèvent de l’universel.
La République d’Haïti souscrit à toutes les positions déjà exprimées par notre organisation (la CARICOM) et à toutes celles qui sortiront de cette importante réunion d’aujourd’hui.
Je place grand espoir dans l’aboutissement de cette démarche de notre organisation régionale visant à contribuer à la résolution de ce problème et à éviter à notre région le génocide civil ou la grave crise humanitaire qui pourrait résulter de l’application de cette décision.
J’en profite pour féliciter et remercier vivement le Gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela pour sa récente initiative en vue de faciliter une issue heureuse à ce problème.
Une nouvelle fois, la République d'Haïti exprime sa grande préoccupation et appelle son plus proche voisin à se ressaisir, en se conformant aux principes du droit international des droits de l'Homme et plus particulièrement à l'article 15 alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme qui stipule, et je cite:
"Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité."
En cette deuxième décennie du vingtième siècle, chaque homme, où qu’il soit, est devenu solidaire des autres hommes, parce que le monde marche vers une plus grande communauté des vivants.
En temps que peuple noir de ce sous-continent et fier de l’être, notre organisation a un rôle important à jouer dans l’Hémisphère occidental. Qu’elle soit donc une exaltation de la fraternité et un hommage à toutes les forces bienfaisantes de la civilisation.